L’amour à portée de clics chez France Télévisions

Illustration 1 logo Ahhh l'amour

par Oriane Hurard, publié le 2.03.2012

L’année 2012 commence en fanfare chez France Télévisions : après la Campagne à vélo il y a quelques semaines, c’est au tour d’un webdocumentaire d’un nouveau genre de pointer le bout de son clic, accompagné d’un mystérieux « Ahhh l’amour » se promenant sur les réseaux sociaux. Mais que se passe-t-il donc dans les couloirs du service public ?

 

 

Love is in the air : Amour 2.0 ou le clic qui vous change du webdoc

 

Saint-Valentin oblige, février est le mois de l’amouuuuur. France Télévisions n’a pas dérogé à la coutume en profitant de cette date hautement symbolique pour lancer son nouveau webdocumentaire, Amour 2.0. Contrairement à ce que son titre pourrait nous faire croire, celui-ci ne traite pas de l’amour à l’heure de la banalisation d’Adopte un mec et autre Meetic, mais de l’amour tout court, avec un grand A.

 

Le thème est vieux comme le monde et l’idée d’en faire un webdoc n’est pas neuve : issu de l’association entre la société de production Empreinte Digitale, l’agence de presse Blue Press et l’agence de communication interactive Uzik, le projet a d’abord été développé dans les bureaux de l’Unité Documentaire de France TV, sous la direction de Patricia Boutinard-Rouelle. Créée il y a quelques mois, c’est tout naturellement que la Direction des nouvelles écritures et du transmedia, dirigée par Boris Razon, a repris le projet en cours de route.

« L’idée de départ, présente dans les tuyaux de France Télévisions depuis un moment,  était de proposer un webdoc sur une thématique légère, avec une interface ludique et adaptée. Pour arriver à parler à tout le monde, le thème universel qu’est l’amour s’est rapidement imposé, ainsi que l’idée de le sortir à l’occasion de la Saint Valentin » nous raconte Aurélie Taguet, conseillère éditoriale de l’Unité des nouvelles écritures qui a suivi le projet en binôme avec Cécile Deyon.

 

Dance me to the end of love : entre quizz et portrait, mon cœur balance

 


 

Comme les deux entités d’un couple, Amour 2.0 est un webdocumentaire divisé en deux volets. Le premier porte le nom prémonitoire de L’Art de la Dispute – un passage obligé dans la vie d’un couple. Le second volet est consacré au Dr Gottman, personnage emblématique aux Etats-Unis, célèbre pour avoir conçu et commercialisé une formule mathématique capable de prédire la viabilité d’un couple.

« Dans la partie Dr Love, la forme et le matériel documentaire sont plus classiques, essentiellement composé de témoignages de couples et d’avis d’experts. Dans L’Art de la Dispute, nous avons pris le parti de guider l’internaute sous la forme bien connue du quizz psycho : chaque séquence correspond à une question, non obligatoire, mais qui permet à la fin d’établir un profil de ‘‘disputeur’’ » détaille Aurélie Taguet.

Chacune des deux parties est divisée en six séquences ; en tout, l’internaute a accès à quasiment 100 minutes de vidéo. Enfin, des petits modules additionnels sont proposés à l’internaute : du côté Dispute, un Pacman / Pacwoman rétro, de l’autre, c’est (encore) un quizz, que propose habituellement Gottman aux couples pour évaluer la qualité de leur relation.
 

 
On pourrait regretter un manque d’interaction et de circulation entre ces deux parties, mais il faut bien avouer que le parcours de l’utilisateur s’en trouve facilité et fluidifié. Le choix d’une architecture linéaire fonctionne assez bien ici, et permet de conserver l’expérience de l’internaute au cœur du dispositif.

« Le parti-pris était clairement celui de la légèreté ludique et interactive, en proposant autour du documentaire des jeux, des quizz à la manière des magazines féminins ». A côté du partenariat avec LeMonde.fr, on trouve ainsi un autre partenaire plus surprenant.

« Aufeminin.com nous a semblé être le partenaire adapté : il a été particulièrement intéressé à la partie sur la dispute, dont il a repris des extraits sur sa plateforme, tandis que notre autre partenaire LeMonde.fr se plaçait davantage du côté du portrait du Docteur Gottman explique Aurélie Taguet. Finalement, ces deux partenaires à priori très différents se sont révélés très complémentaires, chacun se positionnant sur l’un des deux volets, même si au départ ce n’était pas pensé pour. »

Un sujet léger, un slogan un peu provocateur (« Le clic qui vous évitera le clash »), des situations entre l’universel et le cliché : tout semble prévu pour ouvrir le genre désormais balisé du webdocumentaire, et attirer un nouveau type de public. Si on peut regretter une certaine facilité dans le choix du sujet, cette ouverture est à souligner, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans une stratégie globale de la part de France Télévisions.
 

 
 

Love Will Keep Us Together : Ahhh l’amour, création d’une communauté

 

Une autre initiative a ainsi été lancée de manière concomitante, portant également sur l’amour mais d’un tout autre genre : Ahhh l’amour, un dispositif communautaire.

L’Unité Fictions de France 2 vient de lancer en effet depuis le 22 février dernier une nouvelle série de fiction en 8×52 min, Des soucis et des hommes, créée et écrite par Sylvie Coquart et Cristina Arellano. Ce mélange plutôt classique entre Le Cœur des hommes, Les Invincibles (10 ans plus tard) et Desperate Housewives se centre sur quatre hommes à l’aube de la quarantaine et leurs rapports à l’amour, à la famille, au sexe.

Ahhh l’amour est donc le fruit de la réflexion conjointe du producteur de la série, Nicolas Traube, et du service Communication Online de France Télévisions, qui ont choisi d’innover pour ne pas proposer sur lnternet une simple expérience dérivée de la série comme avait pu le faire Fais pas ci fais pas ça, autre série de France 2.

Ni outil purement promotionnel, ni création originale, Ahhh l’amour se présente donc comme un prototype de community management d’un nouveau genre, non pas centré sur la série en elle-même mais sur son thème central : l’amour.

, Social Media Marketing Manager à la Communication online de France TV, nous explique plus précisément la genèse du dispositif : « Le Web social se structure aujourd’hui sur des logiques affinitaires très fortes. En 2012, l’internaute ne cherche plus uniquement à transposer son « réseau réel » (amis, connaissance, collègues…) en ligne mais va structurer son graph social en fonction de ses centres d’intérêts. Récemment, le succès de , des solutions de curation comme Pearltrees ou Scoop.it ou de Facebook ont fini de nous convaincre : les communautés se construisent aujourd’hui davantage autour d’un intérêt commun qu’autour d’une entité donnée (marque, personnalité, réseau réel).

L’idée était donc de partir de nos contenus estampillées ‘‘Amour’’ – en l’occurrence, majoritairement les contenus sur Des soucis et des hommes pour le moment – pour susciter une conversation sur un thème qui nous touche tous, sans tomber dans le travers de l’autopromotion. »

 

You’re the One what I want : une agrégation de différents contenus

 

Lancé de façon judicieuse plusieurs semaines avant la diffusion de la série, ce dispositif ne se présente pas comme un outil marketing mais plutôt comme un agrégateur thématique, et ce dès sa tagline : « Ahhh l’amour, tout est mystère dans l’amour. Cette source intarissable d’histoires nous inspire sans cesse :  fictions, émissions, débats, documentaires… des programmes qui traitent de l’amour avec un grand A et nous donne envie d’en discuter avec vous. »

, , et : voici les trois supports sur lesquels vous trouverez la marque Ahhh l’amour.

« La page Facebook relaie et créée des infos autour du thème de l’amour en général et même si elle cherche à promouvoir les programmes du groupe FTV, il s’agit aussi et surtout parler de ce thème de manière plus générale, avec une agrégation d’articles extérieurs liés à ce thème » précisent Eric Pellegrin et Rémy Reboullet, de la société de production transmedia Bridges chargée de mettre en œuvre la stratégie élaborée par France Télévisions. « L’objectif de Ahhh l’Amour est de relayer et de communiquer sur tous les programmes du groupe parlant d’amour au sens large, pour ainsi créer et animer une communauté active autour de ce thème. »

Le contenu créé, partagé et débattu essentiellement sur la page Facebook est ainsi un pot-pourri de différents éléments autour de l’amour : articles issus de magazines féminins ou de forums psycho, citations textuelles ou visuelles, sondages, articles de blogs et questions à la communauté…
 

 
« Twitter et Tumblr remplissent la même promesse mais en reposant sur des usages différents : le temps réel pour Twitter, avec des live-tweet des diffusions TV, et la curation d’articles de fond pour Tumblr » ajoute Myriam L’aouffir.

La vraie originalité de ce dispositif vient du choix d’utiliser Tumblr, outil de micro-blogging encore peu utilisé par les marques. Le contenu est ici plus orienté, plus documenté, et s’oriente clairement vers une sorte de moodboard regroupant différentes inspirations cinématographiques, littéraires et musicales autour du sentiment amoureux, du couple, du sexe, etc. Après la première diffusion du 22 février, ce même Tumblr s’est temporairement transformé en revue de presse sur la série – une utilisation d’ailleurs tout aussi intéressante de cet outil.

 

Ce choix de diversification thématique est un véritable parti-pris puisque la page Facebook a connu depuis le lancement de la série une légère augmentation du nombre de fans, sans pour autant atteindre la croissance attendue pour un programme de prime time ayant touché 3,5 millions de téléspectateurs (5300 fans au 29 février contre 3000 environ il y a un mois).

Comme le soutient Myriam L’aouffir, « Si nous avions créé une Page ‘‘Des soucis et des hommes’’, nous aurions peut-être pu recruter plus facilement une communauté de fans de la série mais nous aurions dû laisser mourir ces mêmes espaces à la fin de la diffusion. Ce n’est évidemment pas notre objectif. Notre métier est de travailler l’engagement, la relation, autant de concepts qui ne peuvent pas vivre dans des temps courts.

 

I will always love you : un accompagnement sur le long terme

 

Si Ahhh l’amour est si intéressant aujourd’hui, c’est bien parce que pour une fois, on parle enfin de stratégie de community management sur le long terme.

Les espaces Ahhh l’amour ont ainsi vocation à être animés et alimentés de manière pérenne, afin de créer du contenu qualitatif pour structurer une communauté sur le thème universel de l’amour et accompagner le public de France Télévisions sur Internet et éventuellement vers d’autres programmes du groupe.

« En ce sens, nous ne plaçons pas les réseaux sociaux en aval de la diffusion des programmes mais bien en amont » affirme Myriam L’aouffir. « Avec une conviction forte : c’est en engageant nos fans par le sens et en leur fournissant en avant première des contenus exclusifs qu’ils deviendront les meilleurs ambassadeurs de nos programmes et que le bouche à oreille sera au rendez-vous. »

Quant à Amour 2.0, même s’il dispose de son propre dispositif + , le webdocumentaire amoureux s’intègre également dans cette stratégie globale, comme nous l’explique Myriam L’aouffir et son équipe : « De part sa thématique et sa date de sortie, Amour 2.0 est pleinement lié au dispositif Ahhh l’amour, bien qu’il soit né bien avant. Nous travaillons actuellement à faire un maximum de relais entre ces différents espaces et nous envisageons d’ici quelques mois d’inviter la communauté liée à Amour 2.0 à rejoindre les espaces Ahhh l’amour avant la fermeture des comptes Facebook et Twitter du webdocumentaire. »
 


 

Si cette tentative d’unification a posteriori n’empêche pas de regretter ce petit manque de coordination en amont entre deux initiatives menées en parallèle et aux ambitions semblables, cela ne fait que souligner l’importance d’un réel dialogue entre les différentes unités de programmes de France Télévisions, la Communication Online et la toute jeune et prometteuse Direction des nouvelles écritures et du transmedia qui, on l’espère, ne fera que se bonifier de projet en projet, attendus nombreux pour cette année décisive.

Pour la Direction des nouvelles écritures et l’équipe de Communication Online, une chose est claire : il s’agit d’investir le web social en générant des communautés fortes et thématiques, plus ou moins autonomes de l’antenne, pour construire et structurer tant un accompagnement du public sur Internet qu’une stratégie globale de création originale.

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auteur Oriane Hurard

Actuellement chargée de coordination de Transmedia Immersive University, laboratoire de formation et de création initié par Jérémy Pouilloux (La Générale de Production). Auparavant, Oriane a passé neuf mois chez Happy Fannie en tant que Community manager sur le feuilleton transmedia "Fanfan2, Quinze ans après". Encore avant, elle a écrit son mémoire de fin d’études sur l’écriture transmedia dans la fiction française, avec lequel elle a été diplômée du Master de Production Audiovisuelle et Numérique de l’Ina SUP

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