Le Jeu Vidéo face au défi du Transmedia

Le monde de Ralph - Disney Pixar

par Vincent PUREN, publié le 29.06.2012

Tendance forte des Cross Video Days, le transmedia a influencé de nombreux débats animés par des producteurs, telecoms et médias. A ce propos, une majorité des projets présentés par la nouvelle vague d’auteurs et de producteurs, étaient de pures expérimentations transmedia, voire des projets crossmedia camouflés sous l’appellation transmedia, histoire de véhiculer une image plus novatrice.

 

 


Industrie majeure dans la création et l’extension de contenus, le jeu vidéo était ainsi à l’honneur lors de la table ronde « Jeux vidéo et Transmedia, quels jeux d’influence ? », animée par . Accompagné de ,  CEO de Games Investor et , fondateur de Bigger Than Fiction, a introduit les débats en abordant la rencontre naturelle entre jeu vidéo et transmedia ( ce secteur ayant déjà les règles du jeu : collaboratif, social, engagement, multi screen, interactions…), puis les valeurs qu’un acteur majeur des telecoms comme Orange pourrait apporter à cette industrie. La présentation du projet Alt-Minds fut finalement l’occasion de donner un avant-goût au public de l’investissement porté par Orange dans le domaine de la fiction transmedia.

 

LA DIFFICILE MUTATION DU JEU VIDÉO


Les intervenants étant spécialistes du jeu vidéo, la discussion s’est ensuite tournée vers les différentes caractéristiques d’un jeu vidéo de qualité. Selon le britannique Rick Gibson, il faut d’abord collecter un maximum d’informations sur le public visé afin d’appréhender le format et les composantes du jeu les plus appropriés, mais aussi estimer comment celui-ci va évoluer avec le comportement des utilisateurs. A ce titre, les jeux en ligne sont intéressants puisqu’ils permettent de lancer un concept online et de facilement mesurer l’usage afin d’adapter par la suite le produit de la manière la plus attrayante ou efficace possible. Julien Aubert s’est ensuite concentré sur la partie gameplay qui est selon lui le noyau dur de toute expérience videoludique et dont chaque boucle de gameplay est un moteur d’engagement.

Problématique mais essentielle, la notion de Propriété Intellectuelle a également animé les débats. Ce sujet sensible et contraignant entraîne souvent de multiple casse-têtes juridiques mais aussi éditoriaux pour ce qui est de la cohérence narrative d’une franchise. Ce manque de clarté dans l’attribution et la gestion des droits peut être un frein non négligeable pour les producteurs de jeux vidéo, souvent réticents pour se lancer dans l’« aventure transmedia ».

Les volets additionnels du best-seller Assassin’s Creed, représentent l’exemple même de cette réticence des producteurs, qui considèrent ces films, BD et casual games comme des produits dérivés plutôt que des composantes transmedia. Ajoutez à cela la crainte de voir les companions (social game, jeu mobile) générer de plus fortes audiences que les jeux sur consoles, et vous obtenez de solides arguments en défaveur du transmedia.

Heureusement, la donne change chez Ubisoft. Sa nouvelle politique de diversification passe notamment par la création d’une équipe dédiée au transmedia et par la fondation d’Ubiworkshop, boîte à idées et de production des projets autour d’univers narratifs développés à la division Jeux d’Ubisoft.

Celle-ci a notamment contribué à l’émergence du social game , dont l’influence sur le jeu console fut le prémisse d’une expérience transmedia.

 

DU STADE D’INDUSTRIE MINEURE AU RANG D’ART DU SIECLE


Dans un autre registre, la création de Ubisoft Motion Pictures, destiné à la valorisation des marques dans le monde du cinéma et de la télévision,  en dit long sur le chemin parcouru en l’espace d’un demi-siècle par cette industrie désormais respectée pour son sens de l’art et du storytelling. En effet, au-delà des prouesses techniques et visuelles des nouvelles productions, le fait qu’elles mettent à l’épreuve le cerveau plutôt que les pouces, les place au-dessus de bon nombre de créations Hollywoodiennes.

La hiérarchie qui voulait que le jeu vidéo soit une industrie mineure, dans l’ombre du Cinéma de par sa qualité et ses audiences, semble donc révolue.

Cette évolution sonne comme une revanche pour le jeu vidéo, jusqu’ici exploité en tant que tremplin marketing par le monde Cinématographique, dont l’approche était souvent très maladroite (le flop de jeux comme SpiderMan ou Enter the Matrix).

Ghost Recon Alpha, le court métrage (diffusé sur W9) produit pour Ubisoft par la société de production de Ridley Scott est un avant-goût des ambitions de nos studios de jeux vidéo impatients de devenir l’acteur incontournable de l’Entertainment.

 

 

LA FRICTION , OU LA SEPARATION ENTRE LE JOUEUR ET LE JEU

 

« la friction est tout ce qu’il y a entre le joueur et le fun, comme un téléchargement par exemple ». C’est ainsi que Rick Gibson caractérise l’une des contraintes que les développeurs doivent aujourd’hui dépasser pour fédérer un maximum de personnes autour de leurs licences.

Le Hardcore gamer est capable de supporter de nombreuses frictions du fait de son engagement, de son côté le casual gamer représenté par monsieur et madame tout le monde, est moins tolérant mais essentiel puisqu’il représente la principale part du Chiffre d’Affaires de l’industrie du jeu vidéo. Il est donc impératif de réduire les étapes de transition entre l’instant ou naît l’envie de jouer et le moment ou débute la partie.

Pour conclure, nous sommes face à la mutation d’une industrie souvent décriée, mais aussi admirée pour sa capacité à se renouveler et à sortir de son périmètre habituel. Le transmedia est une opportunité incroyable déjà approuvée par le cinéma et qui ne manque pas d’argument pour séduire le monde du jeu vidéo. Les mécaniques ludiques étant au cœur du transmedia, les professionnels du jeu vidéo sont donc les plus légitimes pour réinventer les processus narratifs et développer de réels univers transmedia autour de leurs licences.

 

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auteur Vincent PUREN

Passionné des nouveaux médias ainsi que des tendances numériques, j'ai rejoint l'équipe du TransmediaLab début 2012. Je suis également éditeur du blog Buzzmania depuis 2010 et rédacteur chez Presse Citron autour des thématiques de l'advergaming, des médias sociaux et de l'E-Business.